L’or et la transmutation des métaux



Auteur : Tiffereau Ciprien Théodore
Ouvrage : L’or et la transmutation des métaux
Année : 1889

PRÉFACE
Tout, dans la nature extérieure, se réduit à un changement de forme dans l’agrégation des éléments
chimiques éternellement invariables (Helmholtz).
En publiant le premier volume de celte collection d’écrits — anciens et modernes—relatifs aux
sciences hermétiques, nous n’obéissons pas au vulgaire désir de faire oeuvre de bibliophile, d’éditer
ou de rééditer des livres, étrange par le fond, bizarres dans la forme souvent difficiles à
comprendre, où se mêlent parfois des fantaisies presque ridicules aux conceptions les plus hardies
de l’intuition.
Nous visons plus haut et plus loin.
Aujourd’hui l’esprit humain, est assez nettement délivré de tous préjugés pour ne reculer devant
aucune hypothèse : ne se laissant arrêter par aucune superstition ni aucune crainte, il va jusqu’aux
extrêmes limites de la logique, estimant qu’à toute constatation acquise, une étude nouvelle peut
ajouter un au-delà. Il s’est dégagé surtout de la peur des mots et ne condamne aucune
manifestation de l’effort cérébral, sous quelque étiquette qu’elle se présente.
Alchimie, Hermétisme, Occultisme, ne sont pour lui que des rubriques dont les allures mystérieuses
ne l’effraient pas. Isis sous son voile; peut apparaître comme un être fantastique, comme un spectre
troublant. Le savant va droit à elle et prétend voir son visage.
Autrefois, à ce mot d’alchimie, on frissonnait ou on souriait. Superstition ou scepticisme qui ne sont
qu’une seule et même forme de l’ignorance et de la paresse.
On a compris maintenant que l’homme, n’a pas le droit de nier ni d’affirmer à priori. Dire que
l’alchimie n’est qu’un tissu d’erreurs grotesques est aussi, absurde que de croire, par un élan de foi,
à des miracles indémontrés. Qu’est-ce d’ailleurs qu’un philosophe Hermétique?
Quand, Hier encore, William Thomson, pour établir sa théorie des atomes-tourbillons fait jaillir
d’un coup de baguette, frappé sur un drap tendu, les anneaux de fumé du chlorhydrate
d’ammoniaque, quand Helmholtz analyse les mouvements tourbillonnants dans un liquide parfait,
c’est-à-dire n’existant qu’à l’état d’hypothèse mathématique, comme le point en géométrie, quand
M. Dupré compte, dans un cube d’eau ayant pour côté un millième de millième, invisible au.
microscope, un nombre énorme de 225 millions de molécules, ces savants font oeuvre l’alchimistes,
et l’ignorant qui les verrait agir, sans comprendre la portée de leurs travaux, en apparence
insignifiants, les taxerait de folie.

Fous ! Le mot est bien vite prononcé! Fou, Démocrite, le grand rieur qui osa dire que : les
variétés de toutes choses dépendent des variétés de leurs atomes, en nombre, dimension et
agrégation; Fou, Empédocle qui affirmait l’adaptation ; fou, Epicure qui niait la mort, fou,
Lucrèce qui professait l’indestructibilité des atomes, impérissables matériaux de l’univers !
M. Frémy ne faisait-il pas oeuvre d’alchimiste, quand, en faisant réagir au rouge du fluorure de
calcium sur de l’aluminium contenant des traces de bichromate de potasse, il produisait les
cristaux polyédriques du rubis.
Seules les conditions du travail ont changées. Les souffleurs du moyen âges, toujours en crainte de
persécutions, pâli par la peur du bûcher se cachaient comme des malfaiteur, revant la puissance
énorme et rapidement acquise qui triompherait de leurs bourreaux. Sur le monde, ta catholicité
pesait, avec sa négation sinistre de la science, avec son mépris du bien-être corporel, avec sa
lourde théorie du sacrifice, avec, sa méconnaissance atroce des besoins et des droits de l’humanité.
Le savant se terrait dans sa science, et, si, obéissant à cette passion innée au coeur de l’homme qui
le pousse à faire partager ses joies de trouveur à ses semblables, il se décidait à parler, encore un
ultime vestige de prudence lui conseillait d’employer une langue mystérieuse, arcanienne et
cependant, le plus souvent, pour qui sait la déchiffrer, simple en son essence, comme tout ce qui est
logique et vrai.
Aujourd’hui, comme l’a dit Tyndall, la science n’a plus le droit de s’isoler, mais elle combine
librement tous les efforts qui tendent vers l’amélioration du sort de l’homme. La grande faute des
Hermétistes—faute qui ne peut leur être imputée à crime, car ils étaient écrasés sous le joug de fer
de l’ignorance et de la tyrannie intransigeante, c’est d’avoir reculé devant la généralisation des
principes. Ils s’arrêtaient, inquiets, au seuil de ta vérité, sans oser le franchir, s’attardant à des
recherches parfois enfantines comme des jeux. C’est qu’aussi la Bible les enserrait, les pères de
l’Eglise les étouffaient, et beaucoup victimes respectables, mouraient de ne pouvoir travailler
librement.
Ce qu’il faut considérer en ces philosophes, ce sont moins les applications qu’ils font de leurs
théories que l’idée première qui les leur dictait. En les écrits de chacun d’eux, il y a, sous la forme,
le fond, la base, le substratum. Lorsque Bacon appelait le son un mouvement spirituel, peut-être
proclamait-il un des axiomes de l’avenir ?
Ne retrouvons-nous pas tous les éléments de la science alchimique dans les expériences de Norman
Lockyer, prouvant par ses études spectroscopiques, que dans les étoiles les plus chaudes, on ne
trouve que de l’hydrogène pur, tandis que dans celles moins chaudes, les métaux, puis les
métalloïdes apparaissent, et que sur terre, enfin, hydrogène, métaux et métalloïdes ne se trouvent
jamais à l’état parfaitement pur, mais en des combinaisons plus ou moins complexes. Qu’est-ce
donc que cet hydrogène, sinon l’Absolu des alchimistes, et quelle preuve presque concluante de la
réduction possible de la mature en son principe un. et primordial ?
Aujourd’hui on peut professer hautement ce dogme de l’unité de la matière: en expérimentant avec
de l’alcool ou de l’huile, on acquiert la démonstration irrécusable de la création du système
solaire, par fragmentation d’une masse unique.
Mais l’hydrogène est-il l’extrême point de départ de ce que nous appelons improprement les corps
simples?
Les spectres phosphorescents ont montré en l’atome un système chimique complexe dont les

éléments constituant peuvent être dissociés. Huggins, Lecoq de Boisbaudran ont vulgarisé cette
vérité que seule aujourd’hui la mauvaise foi pourrait révoquer en doute.
Mais l’atome étant corps composé, qu’y a-t-il au delà ? que seraient ses éléments constituants ?
Seraient-ils multiples ou se rapporteraient-ils à un élément unique ? A cette question. Willam
Crookes répond hardiment: — Je me hasarde à conclure que les éléments des soi-disant corps
simples que nous connaissons, sont en réalité des molécules composées. Je vous demande pour que
vous ayez une conception. de leur genèse, de reporter votre esprit à travers les âges, vers le temps
où l’univers était vide et sans forme, et de suivre le développement de la matière dans les états à
nous connus d’après quelque chose d’antécédent. Je propose d’appeler protyle ci qui existait avant
nos éléments, avant la matière telle que nous la connaissons à présent.
Celle idée de matière première, de protyle, préexiste dans tous les esprits raisonnants. C’est ainsi
que Descartes parle d’un fluide universel pareil à une liqueur la plus subtile et la plus pénétrante
qui soit au monde.
M. Berthelot il a quinze ans déjà, ne reculait pas devant l’hypothèse de la décomposition des corps
simples; si les moyens dont nous disposons aujourd’hui, disait-il restent encore impuissants, rien
n’empêche de supposer qu’une découverte nouvelle, semblable à celle du courant voltaïque,
permette aux chimistes de l’avenir de franchir les limites qui nous sont imposés : tout en se refusant
à admettre la nécessité logique de l’unité de la matière, l’éminent chimiste reconnaissait la
vraisemblance de la transmutation des éléments actuels les uns dans les autres.
Les recherches sur la thermochimie, en introduisant dans la science l’idée de dissociation, ont
porté un coup décisif aux préjugés surannés, notamment à l’hypothèse de l’affinité.
De la dissociation à la synthèse, la marche est logique, et l’idée dé la transmutation des métaux ou
plutôt de leur constitution par le perfectionnement de l’élément protylique s’impose d’elle même.
M. E. Varenne ne disait-il pas, il y a. trois ans : — Comprimez de l’hydrogène jusqu’à deux cent
mille atmosphères et vous aurez un lingot d’or pur.
De cette analyse de la matière à l’analyse de la vie, le pas sera bientôt franchi.
A quelle hauteur ne s’élève pas la science moderne quand, regardant face à face les grands
problèmes organiques, elle dit avec Claude Bernard :
Les phénomène dans les corps bruit et dans les corps vivants ont pour conditions les mêmes
éléments et les mêmes propriétés élémentaires. C’est la complexité de l’arrangement qui fait la
différence.
Descartes avait d’ailleurs affirmé déjà avec une audace que la vie n’est qu’un résultat plus
compliqué des loi de la physique et de la mécanique.
Peut être, et c’est ici qu’interviennent l’Hermétisme et l’Occultisme, exile-t-il des substances
protyliennes, en quelque sorte tellement diluées que de matérielles elles passent à un autre état
que, sans notion exacte, nous appellerions dès à présent spirituelles, transformation dont la
formation des gaz ou la naissance de l’électricité nous fournissent des similarités probables.
L’esprit n’est-il pas un état essentiel, spécial de la matière, un hyper protyle, doué de facultés
actives dont nous ressentons les effets, sans qu’il nous soit encore possible d’en déterminer la
nature ?
De tout temps, ces problème ont préoccupés les hommes d’élites et il serait injuste de nier que peu
à peu leurs recherches et leurs découvertes ont changé l’axe de la science.

Quelqu’un oserait-il aujourd’hui taxer de folie, de charlatanisme ou de mensonge Crookes ou
Gibier?
Qui oserait affirmer que Kalic-King n’est point apparue ?
Il nous paraît plus qu’intéressant, il nous semble utile de placer à nouveau sous les yeux des
hommes de bonne foi ces oeuvres, presque toutes introuvables qui constituent les pièces du grand
dossier hermétique, de ce procès, jugé par l’ignorance, mais toujours sujet à révision. Nous avons
la conviction que, dans des opuscules mal connus et mal étudiés, tels que le Miroir d’Alchimie de
Roger Bacon ou l’Elixir des philosophes attribué au pape Jean XXII, le vrai chercheur saura
dégager le diamant de sa gangue. Et combien d’autres oeuvres dédaignées ! En réalité quand on
comprendra les oeuvres de Swedenborg, d’Hoenè Wronski, de LouisLucas, de Fabre d’Olivet, des
horizons nouveaux, immenses, s’ouvriront devant tes esprits.
Et qu’on, n’oublie pas que nos savants, fussent-ils de l’Institut, sont les fils, trop souvent ingrats,
des Hermétistes. Peut-être, comme le veulent les sage du Tibet, sont-ils les élèves inconscients des
savants de quelque Atlantide disparue, les écouteurs encore à demi sourds d’échos, se propageant
depuis les catastrophes antiques de ta machine cosmique.
La collection des écrits, relatifs aux sciences hermétiques sera, en peu de temps, le vade mecum
de ceux qui, hors tous préjugés admettent le possible, même avant le vraisemblable.
JULES LERMINA.. Mai 1889.

PARACELSE ET L’ALCHIMIE

suite…

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