6 LEÇONS POUR LES JEUNES INSPIRÉES DE SOURATE YOUSSEF


Auteur : BEN HALIMA ABDERRAOUF

LE BUT DE CE LIVRE
Allah puissant et glorieux m’a fait l’immense don de me convertir à l’Islam à l’âge de quinze ans et demi, puis de
m’y lancer de toutes mes forces jusqu’à ce jour où j’écris ces mots, qu’Allah nous garde tous dans son chemin jusqu’à la
mort. Durant ces quatorze années, j’ai vu d’innombrables jeunes entrer et sortir de la religion. Je n’ai cessé de méditer sur
les causes de ces échecs et sur les moyens de les éviter. J’ai ensuite conclu qu’il n’y a aucune fatalité car le Prophète,
prière et paix sur lui, était suivi essentiellement par des jeunes et il n’y a pas eu ce phénomène de retrait massif, mais la
voie de la religion est pour les jeunes une course à obstacles, et il faut connaître ces obstacles et posséder le remède
efficace pour chacun d’entre eux pour diriger les jeunes sur la voie de la réussite et éviter les problèmes avant leur
arrivée. Je n’ose pas dire que ce livre est la parade à tous les dangers qui guettent les jeunes, mais j’espère que les plus
importants et les plus fréquents y sont traités et résolus.
Le deuxième but de ce livre est que quand je regarde mon parcours j’ai parfois envie de faire irruption dans mon
passé pour me donner des précieux conseils que j’ai du apprendre par moi-même en commettant parfois des erreurs et
en perdant des années; je me rends alors compte que j’ai eu peu de gens à qui me confier et que peu de gens ont eu le
souci de se pencher sur mes problèmes personnels, et peu aussi ont su apporter les solutions efficaces à mes
interrogations. Je veux alors donner à la génération montante ce don que je n’ai pas eu, et je m’efforce dès que je
rencontre un jeune motivé pour progresser dans la religion de le diriger de mon mieux.
Enfin, j’ai choisi la sourate Youssef car le Coran est la meilleure source du savoir, c’est la plus belle histoire du
Coran, c’est l’histoire d’un jeune, et elle évoque la plupart des thèmes qui concernent la jeunesse. Cependant, il ne s’agit
pas pour moi d’expliquer le Coran, mais cette histoire nous introduit aux thèmes que je veux aborder et nous offre des
principes fondamentaux, après quoi je traite des situations que rencontrent les jeunes dans notre société.

LEÇON I

UN BUT, UNE VOIE

Le grand enseignement de la sourate
Je ne veux pas faire un récit ni un résumé de l’histoire de Youssef, paix sur lui, ceux qui ne l’ont pas bien en tête
n’ont qu’à relire la sourate. Le grand enseignement de la sourate est la conclusion que Youssef a dit à ses frères:
« Quiconque agit selon la piété et patiente, très certainement, Allah ne perd pas la récompense des bienfaisants » (v90). La
sourate nous montre du début à la fin que celui qui agit pieusement est gagnant tôt ou tard, alors que celui qui fait le mal
est toujours perdant.

1) Faux calcul, double perte
Les frères de Youssef analysent la situation en disant: « Youssef et son frère sont plus aimés de notre père que
nous, alors que nous sommes un groupe bien fort. Notre père est dans un tort évident » (v8). Au lieu de se demander
pourquoi leur père préfère Youssef et Benyamin, et de comprendre que c’est par leurs qualités morales et qu’ils n’ont qu’à
s’efforcer d’acquérir eux aussi ces mêmes qualités ce qui leur ferait gagner l’amour de leur père ainsi que l’amour d’Allah,
et la bonne vie dans ce monde et dans l’au-delà, au lieu de se remettre eux-mêmes en cause, ils rejettent la faute sur leur
père et le traitent d’égaré. Les voici déjà en train de commettre un péché majeur qui est la médisance, pire même puisque
c’est de la calomnie, et pire encore puisque c’est contre leur propre père et qui est de surcroît un homme saint et un
prophète fils de prophète et petit-fils de prophète. Peuvent-ils espérer obtenir l’amour de leur père alors qu’ils le
méprisent, qu’ils médisent de lui et qu’ils le calomnient? Non, car les coeurs communiquent, et on ne peut obtenir l’amour
de quelqu’un qu’avec un amour et un comportement sincères. Nous voyons bien la double perte et le double gain: par leur
raisonnement ils perdent encore l’estime de leur père et ils récoltent la colère d’Allah; s’ils avaient pensé à s’améliorer, ils
auraient obtenu l’estime de leur père et l’agrément d’Allah.
Puis la solution qu’ils trouvent: « Tuez Youssef ou bien éloignez-le dans n’importe quel pays, afin que le visage de
votre père se tourne exclusivement vers vous, et que vous soyez après cela des gens de bien » (v9). Ils croient qu’en se
débarrassant de Youssef leur père les aimera à sa place et puis ils auront le temps de devenir pieux et de satisfaire Allah,
car ils sont quand même croyants et ne négligent pas totalement la satisfaction d’Allah. Ce calcul est doublement faux:
pour l’amour de leur père, nous l’avons expliqué au paragraphe précédent; et quant à la piété, ils ne pourront jamais
l’obtenir jusqu’à se repentir de ce péché qu’ils vont commettre, ce qui veut dire le regretter du fond de leurs coeurs et
demander le pardon ou le dédommagement à ceux qui ont subi le tort. Or dans leur calcul, si tout se déroule selon leurs
prévisions, ils ne regretteront jamais leur acte et s’en féliciteront jusqu’à la fin de leurs jours. De même, ils ne s’excuseront
jamais auprès de leur père et encore moins auprès de Youssef. Leur péché leur pèsera donc toujours sur la conscience.
Bien pire, il pèsera de plus en plus lourd puisqu’ils ne cesseront de mentir à leur père, et le bien-être dont ils jouiront sera
construit sur ce péché. Ainsi, ce péché les empêchera jusqu’à la fin de leurs vies d’améliorer leur relation avec Allah, car
on ne peut pas aimer Allah, on ne peut pas le supplier avec sincérité, on ne peut pas lui dire sincèrement: « c’est toi que
nous adorons » en gardant des péchés sur la conscience, en les oubliant, et en se disant que cela n’est pas à négocier,
qu’Allah n’a pas à s’en mêler et que c’est ma chose personnelle dont je ne me déferai jamais.
Quand j’ai commencé à pratiquer l’Islam, j’ai rapidement constaté que chacun avait avancé dans l’Islam jusqu’à
un certain niveau puis s’est arrêté en se donnant soi-même une barrière en disant: « cette chose-là, je ne la ferai pas, je ne
peux pas la faire, c’est réservé aux compagnons du Prophète, ce n’est pas pour moi ». Il croit alors qu’il lui manque une
toute petite partie de l’Islam, disons 0,5%, et qu’il peut travailler sur les 99,5% restants. Il ne se rend pas compte que cette
chose qu’il a laissée l’empêche de pratiquer une autre, et de comprendre une troisième. Ces trois réunies l’empêchent
d’accéder à toute une partie de l’Islam, puis arrivent des circonstances où cette lacune et ce déséquilibre lui jouent des
mauvais tours graves. En vérité, ce n’est pas un détail de 0,5% qu’il a laissé, mais c’est une barrière qui le limite de tous
les côtés et qui l’empêche de progresser jusqu’à ce qu’il se décide de se mettre à cette chose qui lui manque.
Je pourrais citer d’innombrables exemples, mais je vais me contenter de deux. Je disais à un jeune pratiquant qui
était très motivé et très dynamique que ce dont il avait besoin dans son état actuel était d’apprendre l’arabe, qui lui
donnera accès aux leçons dans la mosquée, aux sens du Coran, et donc à un profit dans la prière et une motivation à
prier la nuit, ce profit spirituel qui le lancera plus dans l’Islam, et l’accès aux livres arabes car les traductions ne lui
conviennent plus pour progresser, ce qui lui permettra de bien apprendre la religion et de progresser énormément. Je lui
ai ensuite expliqué que le moyen le plus direct, le plus facile et le plus efficace pour apprendre l’arabe était de le parler
chaque fois qu’il rencontre un arabophone, même s’il est cassé, même s’il mélange le dialecte et le littéral. Il pourra ainsi
assimiler les mots qu’il apprend, corriger les erreurs de langue et apprendre constamment des mots et des expressions
nouvelles, sans compter le contact sympathique avec les gens. Or, la « nafs » (les envies, les attachements et les habitudes

constituant la personne) préfère le français car il est plus facile, on n’a pas besoin de faire travailler sa tête ou de se
ridiculiser devant les gens, et on se laisse aller, et les années passent et on prend un retard incroyable.
Un deuxième exemple est un jeune qui m’avait dit que son seul défaut était les jeux vidéo. Les jeux vidéo ne sont
pas interdits tant qu’ils ne causent pas un interdit, mais le problème n’est pas là. Ces jeux excitent la personne et la
mettent sur les nerfs. Son esprit est totalement absorbé et le jeu envahit une bonne partie de la mémoire vive de la
personne. Pour cela, après le jeu il est quasi-impossible de se concentrer dans sa prière, dans la lecture du Coran ou
dans le dhikr. Quand on ne se concentre pas, on ne profite pas spirituellement de ces actions et elles perdent leur goût et
deviennent lourdes et on n’est plus motivé à les faire. D’autre part, il développe dans le jeu un savoir-faire qui ne sert
pratiquement à rien, au lieu de raisonner sur des problèmes réels dans les études, dans la religion ou dans la vie
courante. Enfin, le temps (et éventuellement l’argent) passé dans le jeu pourrait être infiniment mieux investi: les études,
la vie familiale, le sport, apprendre la religion, aller aux mosquées, visiter des gens, participer à des activités
associatives…
De cette constatation j’avais conclu que je dois repousser au maximum cette barrière si elle est inévitable, et que
je ne dois jamais baisser les bras devant toute action que je n’arrive pas à faire, devant tout péché que je n’arrive pas à
arrêter, devant toute qualité que je n’ai pas, et devant toute énigme que je ne comprends pas. Même si je n’arrive pas
directement, j’essaye par d’autres moyens, je me fais un programme avec des étapes, je concentre mon énergie sur deux
ou trois points clés et je mets le paquet là-dessus. Puis après six mois ou un an, je fais mon bilan, je corrige le tir et ça
continue. Ainsi, il y a des oeuvres que je n’ai pu accomplir qu’après dix ans, des sensations que j’avais lues et que je n’ai
connues qu’après dix ans, des prières que j’ai faites et dont je n’ai vu la réponse qu’après dix ans et des énigmes que je
n’ai découvertes qu’après douze ans, des fruits des efforts que j’ai trouvés après des années dans ma vie familiale et
professionnelle, et le plus beau de tout est quand Allah te récompense de tes bonnes actions par un cadeau en foi, en
science et en bonnes oeuvres!
Plus on avance plus on découvre que la route est immense. Malheureux ceux qui stagnent! Malheureux ceux qui
se résignent à leur équilibre quotidien entre bonnes actions et péchés! L’intimité avec Allah, le goût de l’adoration, la
miséricorde divine, la sincérité dans les supplications ne peuvent être obtenus qu’avec une remise en cause et un effort
permanents. Après chaque étape, la nafs s’attache à de nouvelles choses qu’il faut encore sacrifier pour obtenir la lumière
divine. Ceci est bien illustré par le hadith qoudoussi: « Quiconque se rapproche de moi d’un empan (une main ouverte) je
me rapproche de lui d’une coudée. Quiconque se rapproche de moi d’une coudée, je me rapproche de lui d’une brassée
(d’une main à l’autre quand les deux bras sont ouverts). Quiconque vient vers moi en marchant, je viens vers lui en
courant ». On démarre dans la religion avec un empan puis une coudée, puis il faut avancer régulièrement vers Allah pour
que sa miséricorde soit déversée sur nous de manière continue.
Revenons aux frères de Youssef qui veulent devenir pieux avec la seule faute de s’être débarrassés de leur frère
alors qu’ils ne pourront jamais l’être tant qu’ils ne se repentent pas de ce péché. Ils commettent leur méfait et Allah nous
montre le résultat. La colère d’Allah n’est pas à démontrer, et nous avons expliqué que leur relation avec Allah est
compromise tant qu’ils ne se repentent pas de ce péché. Mais Allah nous explique le résultat sur leur père: il s’aperçoit de
leur stratagème car ils ramènent la tunique de Youssef en sang mais ils ont oublié de la déchirer… et ils chutent
gravement dans l’estime de leur père qui est physiquement incapable de les punir ou de partir à la recherche de Youssef
et qui se résigne à patienter. Sans compter que c’est un prophète qui ne manque pas de demander conseil à Allah et de
connaître la vérité par voie divine. Il connaissait d’ailleurs le rêve de Youssef et son destin de prestige et de prophétie.
Bref, le calcul des frères de Youssef est totalement faux, et ils perdent l’estime de leur père et d’Allah jusqu’à la fin de
l’histoire quand ils regrettent véritablement.
Face aux malheurs qui vont les frapper, ils résisteront jusqu’au bout dans leur mauvais chemin, voulant sans
cesse résoudre leurs problèmes avec leur calcul matériel limité et doublement perdant. Pourtant, à chaque situation et à
chaque instant, il leur suffirait pour résoudre tous leurs problèmes de se repentir de leur péché, de reconsidérer le
problème initial, de décider de s’améliorer en prenant exemple sur Youssef, paix sur lui, et les voici obtenant l’estime de
leur père et d’Allah.
Voyez par exemple quand Benyamin, le frère de Youssef, apparaît en voleur, ils s’écrient: « S’il a commis un vol,
un frère à lui auparavant a volé aussi » (v77). Au lieu de commettre une calomnie méchante et inutile contre Youssef, s’ils
avaient raconté et regretté la vérité, Youssef leur aurait pardonné et ouvert les bras sur le champ. Mais qu’est-il arrivé?
Leur père a cru qu’ils avaient encore comploté de lui enlever Benyamin, et voyez comment ils chutent encore dans
l’estime de leur père et comment Allah leur inflige la punition d’un péché qu’ils n’ont pas commis pour qu’ils goûtent
l’injustice et l’impuissance comme ils les ont infligées à Youssef.

2) La double récompense de la piété

a) Les dons d’Allah pour la piété

Youssef représente le contraire: à chaque étape, il obéit à Allah et Allah lui arrange sa vie présente et future. Allah
nous décrit sa piété avant l’épreuve avec Zoulaykha (qui tenta de le séduire) en un mot: « C’est ainsi que nous
récompensons les bienfaisants », mais il détaille la récompense qu’il lui a donnée pour cette bienfaisance:
– Le rêve, qui est un encouragement très fort pour continuer dans la bonne voie, et un soutien moral très puissant
pour affronter toutes les épreuves de la vie.
– « Et lorsqu’ils l’eurent emmené, et se furent mis d’accord pour le jeter dans les profondeurs invisibles du puits,
nous lui révélâmes: « Tu les informeras sûrement de cette affaire sans qu’ils s’en rendent compte » ». Youssef n’a aucun
souci à se faire! Il sait qu’Allah est avec lui, que sa trajectoire est calculée pour son bien, qu’il aura sa revanche contre ses
frères bien qu’il ne désire pas se venger mais simplement que ses frères se réveillent de leur erreur et se fassent
pardonner par Allah. Par sa piété, Youssef obtient le soutien total d’Allah dans ce moment difficile. De plus ce que le
verset ne dit pas mais que nous devinons sans peine, c’est qu’Allah l’a physiquement protégé dans sa chute car si on
tombe dans un puits « aux profondeurs invisibles », même si le puits contient de l’eau comme l’indique la suite, on a peu
de chances d’atterrir sauf, et même si on est encore en vie, combien de temps pourra-t-on survivre?
– Il est acheté par un haut responsable égyptien, grand intendant d’Égypte. Cet homme n’avait pas d’enfants et
ordonne à sa femme de traiter Youssef avec générosité en espérant qu’il lui sera utile ou qu’il l’adoptera s’il est au niveau
souhaité. Les qualités de Youssef parlent pour lui. Il n’a pas besoin, comme le font ses frères, de se défendre avec force
arguments ou d’insister pour obtenir gain de cause; sa force réside en deux choses: ses qualités et l’aide divine. Par ses
qualités, il est reconnu par les personnes détenant les qualités et le bon sens, et cela fait partie des facilités qu’Allah pose
sur le chemin des pieux. Par l’amour d’Allah, Allah place son amour dans les coeurs des gens, et des portes
matériellement impossibles à ouvrir s’ouvrent devant lui. Allah nous décrit l’enthousiasme de son maître le jour où il l’a
acheté, l’intendant avait compris que ce n’était pas un esclave ordinaire mais un enfant prometteur. Il ne fait aucun doute
qu’avec le temps la première impression de l’intendant ira se confirmant et Youssef sera non seulement un homme de
main mais un fils adoptif. Le voici donc recevant l’éducation des enfants de la noblesse de la plus grande civilisation de
l’époque! dans un environnement on ne peut plus confortable, avec des parents adoptifs qui le chérissent et qui lui
préparent un avenir glorieux!
– « Ainsi avons-nous raffermi Youssef dans le pays et nous lui avons appris l’interprétation des rêves. Et Allah est
souverain en son commandement: mais la plupart des gens ne savent pas ». Comment Youssef a-t-il été raffermi dans le
pays? Parce qu’il est considéré comme un fils de noble, jouissant de tous les droits et privilèges, éduqué et formé pour un
avenir glorieux, on pourrait en faire tout un film. Allah lui donne aussi la science des rêves, ce qui implique qu’il y a eu
plusieurs rêves et que Youssef a gardé une relation permanente avec Allah. Je laisse cette science au chapitre VI
consacré aux rêves. Puis Allah nous signale au passage un enseignement important de cette histoire: c’est Allah qui
dirige les choses. C’est ce que nous sommes justement en train d’expliquer: on ne peut réussir dans cette vie (dans
l’autre c’est évident) en désobéissant à Allah, car c’est Allah qui tire les ficelles, et quand on lui obéit, personne n’est plus
généreux et plus puissant qu’Allah.
– « Et quand il eut atteint sa maturité, nous lui accordâmes sagesse et savoir. C’est ainsi que nous récompensons
les bienfaisants ». En récompense de la piété, Allah lui donne la sagesse et le savoir! Courons vers Allah et vers ses
richesses infinies qui n’attendent que les demandeurs! Sachez mes frères que chaque péché, chaque relâchement dans
l’adoration, nous prive d’une quantité de sagesse et de science, et constitue une perte que nous ne récupérerons jamais.

b) Le piège satanique
Ensuite vient l’épreuve de Zoulaykha. Je répète que je ne suis pas en train de raconter et d’analyser
intégralement l’histoire de Youssef, mais je fais ressortir l’enseignement principal de la sourate qui est que le bon chemin
donne la réussite dans cette vie et dans l’au-delà alors que le mauvais chemin mène à la perte double. Face à Zoulaykha,
que dit le calcul matériel? D’abord que la proposition est alléchante: Youssef est jeune et célibataire, la femme est prête et
demandeuse, ils sont seuls et les portes sont verrouillées. De plus cette proposition n’est pas isolée puisqu’ils vivent
ensemble, la relation se poursuivra sans limite. D’autant plus que la proposition ne vient pas d’un coup de tête, elle a été
préparée. Depuis combien de temps Zoulaykha a-t-elle des vues sur Youssef, et lui demande-t-elle de lui brosser ses
cheveux ou le prend-elle dans ses bras comme son fils? Dieu sait que les femmes savent s’y prendre, surtout que son
mari est incapable d’avoir des rapports selon certains exégètes (pour cela ils n’ont pas d’enfants) et que Youssef est le
plus bel homme qui ait jamais existé. Le calcul matériel dit aussi que voici l’occasion en or d’améliorer son statut: au lieu
de simple esclave apprécié de son maître, il va devenir l’amant de sa femme et son influence va grandir, surtout que
l’histoire nous montre que l’intendant n’a aucune autorité sur sa femme, et Youssef savait bien cela. Plusieurs se seraient
dit comme ont dit ses frères: « quand nous aurons réglé notre situation, nous nous repentirons et nous serons pieux ». De
plus, le calcul matériel dira: « mais si tu refuses, tu te rends compte des pressions qu’elle exercera sur toit et des misères
qu’elle te fera alors que ton statut ne dépend que du bon vouloir de son mari? Tu n’es qu’un esclave, tu es en état de
contrainte… »
Mais quel était le calcul de Youssef? Il répondit: « Qu’Allah me protège! C’est mon maître qui m’a accordé un bon
asile. Vraiment les injustes ne réussissent pas ». Ce n’est pas un calcul, c’est une réponse spontanée exprimant le fond du
coeur. La première phrase jaillissant de son coeur pur est: « Qu’Allah me protège! » et non: « Ce serait super mais… » Son

coeur ne renferme aucun désir du péché, il ne l’a jamais souhaité ni désiré. Au contraire, il ressent ce péché comme une
chose abominable, horrible et repoussante car il est ainsi pour Allah. Il le voit comme une trahison, une ingratitude et une
infidélité envers son maître. Nous évoquerons au chapitre VI si Allah veut comment ne pas se contenter d’éviter le mal
mais aussi ne pas le désirer. Il a la conviction totale que cela se terminera mal s’il accepte, même si toutes les
considérations matérielles affirment le contraire. Allah est grand! Nous voyons clairement la sagesse et la science
données par Allah en récompense de la piété, alors qu’une science acquise sans piété et sans qualités profondes peut
être aveuglée par la passion, que ce soit la passion du plaisir, la passion de la vengeance, la passion du pouvoir, ou toute
autre passion, et on en voit des gens qui ne manquent pas de connaissances mais qui les déforment et les utilisent pour
justifier les choix que leur dictent leurs passions.
Puis Allah évoque le désir de Youssef, paix sur lui. En arabe: « Et elle le désira et il la désira s’il n’avait vu la
preuve évidente de son Seigneur ». La majorité des interprétateurs prennent: « Et, elle le désira. Et il l’aurait désirée n’eut
été ce qu’il vit comme preuve évidente de son Seigneur ». D’autres lisent: « Et elle le désira et il la désira. S’il n’avait pas vu
la preuve évidente de son Seigneur… (ça aurait mal fini) » L’explication la plus valable que j’ai pu trouver est à mon sens la
suivante. Le sens du mot « hamm » en arabe est délicat à rendre en français. C’est considérer une action et l’envisager
favorablement, mais pas décider et presque désirer, exactement comme un jeûneur voit une nourriture désirable et
pense: « Cette nourriture est excellente et j’ai faim. Si je la mange, je calmerai ma faim, je fortifierai mon corps et je
satisferai mon plaisir », mais il n’a aucune intention de manger car il jeûne. On peut dire qu’il a une envie et un désir
physiques de manger, mais cette envie n’influe aucunement sur sa volonté et sur sa décision. Ainsi, Youssef constate
l’intérêt charnel de la proposition qui satisferait son besoin de jeune homme célibataire, mais cette constatation n’influe
nullement sur sa volonté et son comportement.
Voyons maintenant les résultats de ces deux façons de voir les choses. Youssef fuit, elle le poursuit, et, arrivés à
la porte verrouillée, celle-ci s’ouvre et ils sont en face du maître. Elle l’accuse de vouloir la violer, il explique la vérité, et
Allah fait intervenir une personne de sa famille et l’innocence de Youssef est prouvée par sa tunique déchirée dans le dos.
Youssef augmente donc dans l’estime de son maître qui ne peut qu’être étonné de la profondeur de sa sincérité et de son
honnêteté hors du commun. Il augmente aussi de valeur aux yeux d’Allah, et Allah le soutient avec un signe évident
(expliqué par les exégètes par diverses hypothèses) et dit: « Ainsi pour écarter de lui le mal et la turpitude. Il était certes un
de nos serviteurs élus (ou sincères) » (v24). Les deux lectures du Coran « mokhlasin » et « mokhlisin » voulant dire: choisi par
Dieu pour être uniquement pour lui (donc élu), ou: se donnant uniquement à Dieu (donc sincère), ces deux lectures sont
en fait équivalentes car Allah élit et prend pour serviteurs exclusifs ceux qui se vouent entièrement et uniquement à lui et
uniquement ceux-là. Voyez comment Allah récompense la piété en aidant à la piété: il récompense la sincérité en écartant
le mal et la turpitude avec un signe qui par ailleurs augmente la foi et encourage à être plus pieux encore, comme il a
récompensé la bienfaisance en donnant la sagesse et la science.
À l’opposé, que serait-il arrivé si Youssef avait accepté les propositions de la femme? Son mari arrive et les
trouve en flagrant délit, sachant qu’on l’a plus tard mis en prison à vie parce qu’il gênait, on n’hésiterait pas en ce cas à lui
infliger la peine capitale précédée d’une torture terrible. Sans compter la colère d’Allah et très probablement les autres
péchés auxquels il ne manquerait pas de recourir une fois dans le pétrin.

c) La longue épreuve
Vient ensuite la contre-attaque de Zoulaykha. Pincée par les dires des femmes, aveugle d’amour de Youssef, elle
prouve aux femmes des aristocrates de la ville qu’elle avait parfaitement raison de le séduire et elle le force devant
l’assemblée ahurie de la beauté de Youssef à se soumettre à son ordre! Cette scène mérite de faire couler de l’encre,
mais ce qui nous intéresse ici est le comportement de Youssef et son résultat dans cette vie et l’au-delà. « Il dit: « Ô mon
Seigneur, la prison m’est préférable à ce quoi elles m’invitent. Et si tu n’écartes pas de moi leur ruse, je pencherai vers
elles et je serai du nombre des ignorants » » (v33). Encore une fois, Youssef ne pense qu’à fuir le péché et se précipite vers
son Seigneur car il n’a plus aucun moyen de se sauver. Devant la situation complexe et le scandale qui menace,
l’intendant trouve que la meilleure solution est d’écarter Youssef et de le mettre en prison jusqu’à nouvel ordre, en fait il
est totalement oublié en prison. Là, le calcul matériel nous dit que Youssef a perdu sa vie et son avenir. Dans le court
terme, Youssef a complètement ruiné sa vie matérielle au profit de ses valeurs spirituelles et morales. Mais Allah est
présent, et parce que Youssef a tout donné à Allah, Allah aussi lui donnera ce qu’il lui était impossible d’acquérir par luimême.
Cette fois, le résultat de la piété n’est pas l’amélioration immédiate de la situation mais sa détérioration. Ainsi,
Allah nous éduque tantôt avec des situations agréables et tantôt avec des situations désagréables. En vérité, nous
progressons dans la religion avec deux choses: nos efforts et les épreuves. Sans aucune difficulté ni contrainte, nous
nous efforçons d’adorer Allah, d’éviter les interdits et de progresser dans la religion. Mais les épreuves nous font avancer
beaucoup plus rapidement. Par exemple, on apprend à supplier Allah dans les situations difficiles où nous sommes
dépourvus de tout moyen matériel beaucoup plus que quand tout va bien, on peut faire l’aumône quand on est riche mais
on apprend beaucoup plus à vivre modestement et à penser aux pauvres quand nous nous retrouvons dans une gêne réelle, on ne peut apprendre la patience que quand nous sommes mis à l’épreuve et que notre patience habituelle arrive à
bout; à ce moment-là, si nous sommes dans l’impossibilité de changer la situation nous allons être forcés de patienter et
d’apprendre la patience, et nous l’apprenons beaucoup moins quand nous pouvons décider quand nous voulons de
mettre fin à la situation gênante.
Quand nous voulons sincèrement avancer vers Allah, que nous fournissons un certain effort et que nous lui
demandons de nous guider, les épreuves ne tardent pas à arriver. Ces épreuves ne sont pas comme les évènements
aléatoires qui atteignent le commun des mortels; elles ont un but, et sont calculées sur mesure. Elles ont un but, c’est-àdire
qu’elles touchent la chose que nous avons besoin de corriger. Pour cela, elles sont forcément désagréables, et une
épreuve qu’on passe allègrement sans souffrance n’est pas une épreuve qui nous corrige. Aussi, elles sont différentes et
variées, touchant chaque fois un nouvel aspect de notre personnalité et faisant apparaître une faiblesse dont nous étions
conscients ou inconscients. D’autre part, elles sont faites sur mesure: elles ne sont pas trop fortes pour ne pas nous
anéantir, ni trop faciles pour qu’on ne les passe pas sans peine. Elles nous font souffrir pour que nous supplions Allah et
que nous nous repentions de nos fautes et de nos faiblesses, et parfois nous mettent presque dans le désespoir pour que
nous sachions que seul Allah peut résoudre le problème et que toutes les créatures sont impuissantes face à sa volonté.
Les épreuves les plus dures que j’ai pu voir sont celles qui touchent nos relations avec les pratiquants, surtout
s’ils sont plus avancés que nous dans la religion (dans les apparences) ou encore s’ils ont été la cause de notre guidée.
Quand les jeunes retournent à la religion, nous nous imaginons que les « frères » ou les « soeurs » sont infaillibles. Or,
nous sommes tous faibles, nous avons des hauts et des bas, nous avons un passé qui nous influence… Donc il ne faut
pas être idéaliste. Le Prophète, prière et paix sur lui, a dit : « Aime ton ami avec quelque modération, peut-être sera-t-il un
jour ton ennemi. Déteste ton ennemi avec quelque modération, peut-être sera-t-il un jour ton ami ». Quand nous voyons le
« frère » ou, pire encore, les « frères », commettre une faute que nous n’imaginions pas venant de sa part, il ne faut pas
être déçu au point de remettre en cause notre attachement à la religion ou l’activité que nous menions en commun. Il faut
développer son caractère pour adorer Allah sans que cette adoration dépende de nos relations avec qui que ce soit. Ce
point est très important car j’ai vu un bon nombre d’excellents pratiquants, ayant passé un bon nombre d’étapes et s’étant
stabilisés dans la religion, je les ai vus éjectés de la religion, à des degrés plus ou moins graves, parce qu’ils ont été
profondément déçus de ceux qu’ils considéraient comme leurs supérieurs, ou parce que ces derniers leur ont infligé une
injustice ou une humiliation. Non ! Un homme prévenu en vaut deux. Ne soyez pas ralentis ou déroutés dans votre
chemin vers Allah à cause des faiblesses des hommes.
Pour réussir l’épreuve il faut d’abord se rendre compte qu’elle vient d’Allah et ne pas l’imputer aux causes
matérielles. Souvent, en cherchant bien, on trouve qu’elle est due à un péché ou une faute que nous avons commise,
comme Allah dit: « Tout malheur qui vous atteint est dû à ce que vos mains ont acquis. Et il pardonne beaucoup » (La
Consultation 42/30). Nous devons donc nous en prendre à nous mêmes et commencer par nous repentir de ce péché.
Ensuite nous devons patienter pour l’épreuve et la supporter en pensant à la petitesse de notre souffrance comparée aux
bienfaits d’Allah, au pardon de nos péchés, au châtiment de l’Enfer et au bien-être du Paradis. C’est en supportant les
difficultés en pensant à Allah que l’attachement aux créatures diminue dans nos coeurs au profit de l’attachement à Allah,
et c’est ainsi que nous profitons de l’épreuve. La preuve que nous avons évolué grâce à l’épreuve est que si elle se répète
nous la supportons plus facilement. Troisièmement, il ne faut pas laisser les ordres d’Allah dans l’épreuve et s’efforcer de
conserver les bonnes oeuvres que nous faisions ou que nous avons décidé de faire. Rater une épreuve est justement
désobéir à Allah à cause d’elle. Enfin, il ne faut pas demander à Allah de lever l’épreuve mais plutôt s’efforcer à lui
demander la guidée et la richesse spirituelle et éternelle pour nous et pour les autres, car l’épreuve est un moment où on
se dirige particulièrement vers Allah et il faut saisir cette occasion pour demander ce qu’il y a de plus précieux et non
l’enlèvement de l’épreuve qui arrivera inévitablement tôt ou tard.
Cette longue épreuve fut la dernière touche à l’éducation de Youssef après laquelle Allah lui donna la fonction de
la gestion des richesses de l’Égypte. Nous verrons cette étape bien en détail dans la cinquième leçon.

3) L’énigme de la sourate
Maintenant que nous avons bien en vue le but et la morale de l’histoire, nous pouvons essayer de résoudre
l’énigme clé: pourquoi Youssef n’a-t-il pas divulgué son identité à ses frères quand ils sont venus de Palestine en Égypte
pour acheter des vivres? Et pourquoi leur a-t-il demandé de ramener leur frère et l’a-t-il gardé? Et pourquoi a-t-il gardé le
secret jusqu’à ce qu’ils furent impuissants et désespérés?
Les livres de tafsir nous fournissent des explications partielles, du genre: « Si Youssef a caché son identité à ses
frères, c’est parce qu’Allah le lui a révélé »; « Youssef a ramené son frère auprès de lui pour bien le traiter »; « En voyant leur
état de faiblesse et de désespoir, il eut pitié d’eux et dévoila son identité »… Tout ceci justifie partiellement l’attitude de
Youssef mais n’explique pas son mobile. En toute modestie, je vous propose l’analyse suivante.
Que serait-il arrivé si Youssef avait montré la vérité dès leur première arrivée et leur avait dès lors demandé de

ramener toutes leurs familles en Égypte? Ou bien s’il avait envoyé pour les convoquer dès son accession au poste de
gérant des trésors d’Égypte? Ils seraient venus habiter en Égypte, il aurait retrouvé son père et lui aurait épargné des
années de tristesse et l’aveuglement. Ses frères auraient avoué leur faute et auraient demandé le pardon à Youssef et à
leur père qui ne l’auraient pas refusé. Mais la grande différence est qu’ils n’auraient pas été convaincus que leur décision
était une erreur et qu’ils n’auraient pas sincèrement regretté leur acte. Ils seraient découverts mais impunis et gagnants
en fin de compte puisque Youssef les accueille généreusement en Égypte. Youssef les a laissés poursuivre dans leur
mauvaise voie jusqu’à ce qu’ils se rendent compte eux-mêmes qu’elle ne mène nulle part et qu’ils se retrouvent dans une
impasse. C’est seulement alors qu’ils peuvent comprendre d’eux mêmes qu’ils ont fait fausse route dès le départ et qu’ils
regrettent et se repentent sincèrement.
Bien entendu, il est difficile d’imaginer que Youssef ait lui-même calculé cela car les hommes, même s’ils sont
prophètes, n’ont pas à infliger des épreuves à d’autres personnes pour les faire repentir, et nul homme ne connaît le futur
(sauf ce qu’Allah en dévoile) pour connaître les conséquences futures de ses actes et les réactions qu’ils soulèveront.
Nous voyons tout le long de la sourate qu’Allah dirige la vie de Youssef: son rêve; la révélation dans le puits; quand la
caravane le prit, « Allah cependant savait fort bien ce qu’ils faisaient »; Allah l’éduque chez l’intendant; il lui montre un signe
avec Zoulaykha; il l’exauce et le sauve quand elle lui refit ses propositions devant l’assemblée; le rêve du roi vient
évidemment d’Allah; par sa miséricorde, Allah le sort de prison et lui donne ses responsabilités. Plus particulièrement en
ce qui concerne ses frères, quand ils vinrent la seconde fois, « Étant entrés comme leur père le leur avait commandé cela
ne leur servit à rien contre les décrets d’Allah »; quand il trouva le sceptre dans le sac de son frère, « Ainsi suggérâmesnous
cet artifice à Youssef ». Nous voyons sans aucune ambiguïté qu’Allah avait organisé les choses et que Youssef
obéissait aux directives qu’il recevait de son Seigneur.
Nous voyons par ailleurs que ses frères ne sont pas prêts au repentir jusqu’à la dernière scène. Quand ils crurent
que leur frère Benyamin avait volé, ils s’exclamèrent: « S’il a commis un vol, un frère à lui auparavant a volé aussi ». Quelle
perfidie et quelle méchanceté! C’est la haine et la jalousie qu’ils n’ont jamais cessé de sentir envers Youssef et son frère
qui les fait réagir méchamment. En traitant mensongèrement Youssef de voleur, ils veulent dire que Benyamin provient
d’une mauvaise graine, et qu’il est devenu un malfaiteur comme son frère. En demandant à leur père d’emmener
Benyamin, ils lui avaient promis de le protéger et cette fois ils étaient sincères; mais cette protection n’est pas par amour
et attachement à leur demi-frère mais uniquement par intérêt. De même, quand ils proposent de se livrer à l’esclavage à
sa place, ce n’est nullement par amour pour leur frère, mais par intérêt pour ne pas décevoir leur père.
Quand ils rapportent la nouvelle à leur père et qu’il se rappelle de Youssef et pleure pour lui, ils lui disent: « Par
Allah! Tu ne cesseras pas d’évoquer Youssef, jusqu’à ce que tu t’épuises ou que tu sois parmi les morts ». Certains
commentateurs proposent qu’ils disent cela par compassion pour lui et pour le soulager, mais j’estime qu’il faut plutôt le
prendre dans le sens méchant et méprisant parce qu’ils disent par la suite quand il déclare sentir l’odeur de Youssef: « Par
Allah! Te voilà bien dans ton ancien égarement ».
Trouve-t-on dans la sourate des indices de disposition au repentir à l’approche du coup de théâtre? Oui, il y en a
plusieurs. D’abord il n’y a pas de doute qu’ils ont constaté la faillite de leur plan car malgré tous leurs mensonges et leur
insistance, leur père est resté convaincu de leur mauvaise foi. La preuve est que quand ils lui demandent d’emmener
Benyamin, il leur dit de suite: « Vais-je vous le confier comme, auparavant, je vous ai confié son frère? » Deuxièmement,
quand Benyamin est pris en esclave et qu’ils sortent de chez Youssef, leur aîné leur reproche d’avoir comploté contre
Youssef et décide lui-même d’attendre la permission de son père ou le jugement d’Allah. Lui, au moins, même s’il ne va
pas présenter ses aveux et ses excuses à son père, il est presque repentant. Troisièmement, nous pouvons supposer
que la situation matérielle et morale très difficile où ils se retrouvent surtout quand leur père croit qu’ils ont comploté
contre Benyamin, en plus des reproches de leur frère et des affirmations de leur père qui leur rappelle leur méfait contre
Youssef et qui leur ordonne d’aller le chercher et en quelque sorte de cesser leur mascarade, nous pouvons supposer
que tout ceci les fait réfléchir et se remettre en cause. D’autant plus qu’ils sont croyants, qu’ils subissent une injustice et
qu’ils sont en état d’impuissance. Or un croyant dans cet état, même s’il ne pratique pas, se retourne vers Allah. Mais s’ils
se retournent vers Allah et qu’ils le supplient de l’aider car ils sont injustement accusés d’avoir manigancé contre
Benyamin, ne réaliseront-ils pas qu’ils doivent d’abord demander à Allah le pardon de leur péché envers Youssef? Je ne
dis pas qu’ils étaient repentis ou déterminés à se repentir, mais qu’ils étaient dans un état moral qui leur a permis de tirer
la leçon qu’il fallait de l’histoire, et pas simplement se réjouir d’aller vivre à l’aise en Égypte. Ainsi, quand ils reconnaissent
Youssef, ils s’exclament: « Par Allah! Vraiment Allah t’a préféré à nous et nous avons été fautifs ». Ils ont compris qu’ils
avaient pris le mauvais chemin dès le départ et qu’il était inutile de faire des reproches à Youssef et son père. Ils ont
compris que dans leur calcul, ils avaient oublié Allah qui n’est pas simplement dans son coin en train d’attendre le jour
dernier, mais il gère ce bas monde et punit les fautifs et récompense les bienfaisants.

Conclusion
La leçon à retenir est que nous ne pouvons pas avoir deux buts et deux calculs. On ne peut se dire: « je prie pour
avoir le Paradis, et pour ce bas monde je me débrouille à ma façon ». Ce bas monde ainsi que l’au-delà appartiennent à

Allah. Allah nous montre comment gérer notre vie présente et nous donne les solutions à tous les problèmes. Il n’y a qu’à
se soumettre à lui pour réussir dans cette vie et dans l’autre. Plus nous l’adorons par nos sentiments, nos pensées, nos
paroles, nos actes, nos dépenses, et toutes nos capacités, plus nous gagnons dans cette vie et dans l’au-delà. Tout
problème qui nous arrive, nous devons nous remettre en cause, nous repentir, redoubler de prières et de supplications, et
ne jamais lâcher les ordres d’Allah. Nous devons nous efforcer de passer le maximum d’étapes et de ne jamais nous
arrêter à un niveau donné, pour réussir notre vie au mieux et nous rapprocher au maximum d’Allah avant notre mort.

4) L’équilibre dans la religion
L’envie de plaire à Allah et de réussir sa vie ici-bas et dans l’au-delà ne doit pas pousser le jeune à déséquilibrer
sa vie. Je ne demande pas aux jeunes de freiner leur ardeur mais de la placer au bon endroit. Je n’estime pas que les
jeunes qui ont cessé de pratiquer la religion après une période de pratique intense ont commis l’erreur de trop se donner
à la religion, mais ils n’ont pas su gérer correctement leur énergie.
La façon d’avancer en toute sécurité et rapidement dans la religion est celle du Prophète, prière et paix sur lui,
avec ses compagnons: commencer par le spirituel et le moral et laisser les interdits et les contraintes venir
progressivement. Avancer dans la spiritualité consiste à fortifier sa relation avec Allah: concentration dans la prière,
invocations, Coran et dhikr, sincérité… Dans toutes ces choses, nous pouvons déployer toute notre énergie et cela ne fait
que nous fortifier dans la religion et nous donner plus de motivation encore. Le deuxième volet, très lié au premier, est la
moralité: pardonner à tous les gens, aimer le bien pour tous, rendre service, prier pour les autres, partager ce qu’on a,
éviter absolument la médisance, le mépris, l’injustice, la moquerie, la jalousie, la rancune, etc. Celui qui veut plaire à Allah,
qu’il se dépense dans ces choses!
Par contre, là où il faut aller doucement, où il ne faut pas se forcer, et où il faut relâcher quand nous sentons trop
de pression intérieure ou extérieure, pour éviter le danger de la saturation, de la déception et de l’effondrement, ce sont
les contraintes qui mettent notre « nafs » mal à l’aise et qui nous attirent des problèmes dans notre entourage, telles que:
les prières à l’heure, la tenue, éviter la bise et serrer la main, le jeûne surorégatoire, la prière la nuit, le renoncement aux
plaisirs habituels dans la nourriture et les divertissements, la recherche des interdits pointus sujets à divergence (le
problème sexuel sera traité à part au chapitre III)… Il faut faire ces choses quand nous en avons la volonté intérieure et
quand nous sommes prêts à assumer les conséquences sans être gênés, et si nous voyons que nous avons du mal à
supporter la pression, il faut relâcher un peu et ne pas s’obstiner et résister jusqu’à s’auto-détruire. Attention! Vous n’êtes
pas les premiers dans la voie de l’Islam! Beaucoup de jeunes avant vous n’ont pas supporté parce qu’ils se sont donné
(ou on leur a donné) trop d’interdits et de contraintes.
Je ne veux pas du tout dire qu’on peut considérer licite tel ou tel interdit. Seulement, si on fait a liste de ses
défauts, il faut se donner des priorités d’action en privilégiant les facteurs-clé qui ont un effet d’entraînement sur tout le
reste, et ce sont la spiritualité et la morale. Si nous n’arrivons pas à surmonter un interdit, on se donne des étapes pour y
arriver et on ne cesse de prier qu’Allah nous pardonne et nous facilite le repentir. Mais il suffit de regarder quelques mois
à l’arrière pour constater qu’on a beaucoup progressé, alors il ne faut pas exiger d’être irréprochable en un jour.
Une dernière chose concernant la foi: la fréquentation est un facteur déterminant du gain et de la perte de la foi. Il
est donc essentiel à celui qui avait une mauvaise fréquentation et qui se met à pratiquer de changer sa fréquentation pour
se mettre avec des gens plus avancés que lui dans la religion ou voulant avancer comme lui. Il ne faut pas aller jusqu’à
couper ses relations avec ses anciens amis, et au contraire garder le contact pour les attirer à leur tour dans l’Islam, mais
si nous nous sentons influencés par la mauvaise ambiance et atteints dans notre foi, il faut réduire les relations au strict
minimum. Dans tous les cas, la daâwa ne requiert pas des heures de discussion et des soirées entières. Il faut donc si
c’est nécessaire sacrifier ses anciennes relations, et il y a malheureusement un bon nombre de jeunes qui chutent parce
qu’ils ont la faiblesse de rester dans leur ancienne ambiance. D’autres stagnent, avancent très lentement ou reculent tout
doucement parce qu’ils ne font pas l’effort de chercher la bonne ambiance.

LEÇON II
LE COMPORTEMENT EXEMPLAIRE

suite…

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