Essai sur la théologie mystique de L’Église d’Orient


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Auteur : Lossky Vladimir Nikolaïevitch
Ouvrage : Essai sur la théologie mystique de l’Eglise d’Orient
Année : 1944

Préface
Soixante ans après sa première parution,
l’Essai sur la théologie mystique de l’Église
d’Orient de Vladimir Lossky (1903-1958) jouit
toujours d’un rayonnement exceptionnel. Cet
exposé de l’essentiel de la foi orthodoxe est devenu
un manuel et, pour beaucoup de ceux qui
s’intéressent à la tradition orientale de l’Église, un
véritable livre de chevet.
En 1922, Nicolas Lossky, célèbre philosophe à
l’université de Saint-Pétersbourg, est expulsé de
Russie. Il embarque avec toute sa famille à bord du
fameux « navire philosophique ». Vladimir, son fils,
est alors âgé de dix-neuf ans. Les Lossky s’installent
à Prague, où ils resteront jusqu’en 1944. Dès ses
études à Saint-Pétersbourg, Vladimir Lossky avait été
initié à la théologie patristique et à la pensée du
Moyen Âge français. En 1924, il obtient une bourse
et se rend à Paris pour achever ses études à la
Sorbonne. Il devient disciple et ami des grands
médiévistes Ferdinand Lot et Étienne Gilson. Ses
études sont couronnées par une thèse sur le mystique
rhénan Maître Eckhart, qui demeurera l’objet
principal de sa recherche1. « Vladimir Lossky était
donc bien un Russe exilé, et toute sa vie il est resté
très russe, tout en disant qu’il avait toujours été un
“occidentaliste” convaincu et que, pour lui, être
Russe signifiait avoir un sens cosmopolite du
mariage des cultures et se sentir “chez soi” partout
dans le monde2. »
La tension entre le Russe exilé et
l’« occidentaliste » convaincu permet de mieux
comprendre le théologien Lossky. Tout son
enseignement en dogmatique et en histoire de
l’Église a été dispensé en français. Toute son oeuvre
théologique a été écrite en français à la demande de
ses amis catholiques, anglicans ou protestants pour
présenter la théologie orthodoxe. C’est dans ce
contexte de dialogue oecuménique que naîtra, en
1944, l’Essai sur la théologie mystique de l’Église

d’Orient. Il a pour origine une série de conférences
sur la théologie orientale données à Paris quelques
mois auparavant. Le livre est donc rédigé directement
en français par un auteur orthodoxe baigné dans la
tradition occidentale. Il est adressé aux intellectuels
occidentaux pour leur exposer l’essentiel de ce
qu’enseigne l’Église orthodoxe. C’est la première
présentation de l’orthodoxie de ce genre.
Le but de l’ouvrage explique la démarche de
Lossky. Parlant délibérément comme croyant,
Vladimir Lossky y révèle ce qui est le plus profond et
le plus précieux de la foi. Indépendamment de tout
comparatisme confessionnel, il tente d’exposer la
cohérence de sa propre tradition, sans la figer mais en
laissant à la souveraine liberté de l’Esprit saint le
loisir de la modeler. Il ne se situe pas d’abord par
rapport aux autres et à la tradition occidentale, mais
par rapport à lui-même et à sa propre tradition
orientale. Cela ne l’empêchera pas d’adresser
quelques critiques aux catholiques.
Il y a chez Lossky une expérience ecclésiale
fondamentale, celle de l’Église rassemblée pour la
célébration eucharistique, moment de plénitude de

l’Esprit saint. Point de place ici pour un éclatement
de la vie ecclésiale en spiritualité, théologie, liturgie,
mystique, pastorale ou droit canon. Toute théologie
est mystique dès lors qu’elle manifeste le mystère
divin et les données de la Révélation, dès lors qu’elle
s’enracine dans l’expérience ecclésiale et le dogme
de l’Église. C’est pourquoi, au lieu de tenter de
rendre compatible le mystère avec notre
entendement, elle doit, au contraire, provoquer une
transformation intérieure de notre esprit, afin de nous
ouvrir à l’expérience mystique. La théologie n’a pas
pour objet une connaissance abstraite sur Dieu, mais
la préparation de l’homme à l’union avec Dieu. Dire
en vérité à soi-même qui l’on est, ce que l’on croit, et
exposer sa foi : voilà les principes de la théologie et
de la vie de Vladimir Lossky, et peut-être de tout
croyant. N’est-ce pas aussi la base de
l’oecuménisme ?
Certains ont prétendu que Vladimir Lossky
était trop critique à l’égard de la tradition occidentale
de l’Église catholique romaine. Le contexte
historique et théologique de l’époque permet de
nuancer ces positions. La théologie orthodoxe est

alors peu ou mal connue en Occident3. La théologie
catholique elle-même est dominée par la scolastique
où les éléments théologiques chers à l’orthodoxie
trouvent peu d’échos. L’oecuménisme en régime
catholique est timide. Les ouvertures du concile
Vatican II étaient encore inimaginables. Il n’est donc
pas étonnant que plusieurs positions occidentales
spéculatives, rationalisantes et essentialistes aient pu
heurter Lossky, si attaché à l’héritage mystique et
personnaliste des Pères grecs et au souffle de l’Esprit
saint. Chez lui, les divergences entre l’Orient et
l’Occident se cristallisent surtout autour de la
pneumatologie, et plus particulièrement autour du
filioque.
Le théologien, qui soutenait parfois des
positions aux allures impitoyables, ne doute jamais
d’une possible rencontre de l’Orient et de l’Occident
et la souhaite avec ferveur. Tout au long de sa vie, il
fut préoccupé par le drame de l’Église indivise
déchirée. Il n’a pas été moins dur à l’égard de sa
propre tradition, lorsqu’il la voyait s’éloigner de la
Tradition authentique. Il n’a pas été plus indulgent
envers ceux qui, sous prétexte de différenciation par

rapport à l’Occident, en inventaient de nouvelles
interprétations4.
On ne peut pas nier l’influence de Lossky,
directe ou indirecte, dans le renouveau de la
théologie catholique. Le retour aux Pères et à la
théologie patristique prend son envol5. La présence
orthodoxe russe, dans ce contexte, constitue peutêtre
un des facteurs du succès des « Sources
chrétiennes », contrairement à la collection similaire
de Hemmer et Lejay éditée dans les premières
décennies du XXe siècle. L’intérêt pour
l’ecclésiologie grandit6. Lossky apporte à ces débats
ecclésiologiques un fondement pneumatologique. Il
n’est pas anodin que son ami Yves Congar, grand
ecclésiologue et oecuméniste, ait écrit plus tard un
traité magistral sur l’Esprit saint7. Quant à Vatican II,
plusieurs de ses décrets auraient réjoui Vladimir
Lossky. Plus encore, Lossky est un prophète en
matière d’oecuménisme, peut-être sans le savoir, car
son travail de théologien ne consiste pas à négocier
point par point avec des théologiens occidentaux,
mais à commenter l’un de leurs plus grands
mystiques, Maître Eckhart.

La notion de double économie, celle du Fils et
celle de l’Esprit, constitue peut-être un autre point
souvent mal compris. Contre le christocentrisme
dominant dans la théologie occidentale, Lossky ne
veut pas minimiser le rôle et l’action de l’Esprit saint
dans l’oeuvre du salut. Certains ont vu, dans les
propos de Lossky, deux économies. Or, cette
perspective n’est pas acceptable, car il n’y a qu’une
seule économie divine. Double économie cependant
ne veut pas dire deux économies. Les deux chapitres
séparés, intitulés respectivement « Économie du
Fils » et « Économie du Saint-Esprit », ne signifient
point qu’il y aurait deux économies. « Le Fils et le
Saint-Esprit accomplissent sur terre la même oeuvre :
ils créent l’Église dans laquelle se fera l’union avec
Dieu8. » L’action du Fils et de l’Esprit saint est donc
à placer dans l’oeuvre sotériologique et
eschatologique de la Trinité. Cette double dimension
christologique et pneumatologique traverse tous les
domaines théologiques abordés par Lossky. Il insiste
sur le caractère à la fois distinct et inséparable du
Christ et de l’Esprit saint. La complémentaire action
du Christ et de l’Esprit permet de parler de la

christologie pneumatologique et de la pneumatologie
christologique.
Malgré ces quelques critiques qui ont été
adressées à Lossky, l’ouvrage garde une valeur
durable. Ces rapides éclaircissements n’épuisent pas
la matière de ce grand livre. Ils invitent, au contraire,
à le revisiter, à le méditer. Vladimir Lossky, laïc,
théologien de la personne et du Saint-Esprit, se range
dans la lignée d’un Nicolas Cabasilas et de bien
d’autres grands théologiens orthodoxes. Il demeure
un interlocuteur passionnant et actuel.
La présente édition reprend à l’identique le
texte de 1944 et 1990. Compte tenu du caractère
classique de l’ouvrage, très souvent cité, nous
n’avons pas voulu changer la pagination. Elle
correspond donc exactement aux éditions
précédentes. En raison de la quantité inégale de
signes par page, les pieds de page ne s’ajustent pas
toujours.
Les coquilles grammaticales ont toutefois été
corrigées. Nous avons harmonisé également les
références bibliques en adoptant les abréviations de
la TOB. Le texte biblique lui-même, cité en français

ou en latin, reste celui de Lossky. Les abréviations
des noms propres, aussi bien dans le corps du texte
que dans les notes de bas de page, ont été remplacées
par les noms complets.
Depuis la première parution de l’ouvrage en
1944, plusieurs oeuvres patristiques ont bénéficié
d’une édition critique et/ou d’une traduction en
français. Pour faciliter le recours aux nombreux
textes des Pères auxquels Lossky fait référence, il
nous a semblé bon d’ajouter à la fin de l’ouvrage une
bibliographie actualisée, élaborée à partir des renvois
donnés par l’auteur dans le texte, et un index des
noms propres.
Saulius RUMŠAS, o.p.

 

CHAPITRE I

Introduction

Théologie et mystique
dans la tradition de
l’Église d’Orient

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